Une station remote : Radioamateurisme réel ou virtuel ?
À la demande de Stéphane, F5NZY, j’ai réfléchi quelques instants sur les freins qui m’ont poussé à ne pas faire de station « remote » jusqu’à récemment.
Sans prétention, cette réflexion personnelle m’a permis de me rassurer sur le fait que, tout en élargissant le champ des possibles, je respectais mes valeurs, et l’idée que je me fais de notre belle activité.
J’ai longtemps résisté à certaines pratiques rendues possibles par l’entrée des technologies numériques dans la pratique de nos activités de radioamateurs.
J’ose penser que ce n’est pas par peur de ces techniques, ou bien par je ne sais quelle nostalgie (c’était mieux avant…) mais plutôt par mon goût prononcé pour ce que l’on a coutume de nommer les traditions.
J’essaie, autant que cela m’est possible, de respecter la lettre qui décrit nos activités :
‘Service de radiocommunication ayant pour objet l’instruction individuelle, l’intercommunication et les études techniques, effectué par des amateurs, c’est-à-dire par des personnes dûment autorisées, s’intéressant à la technique de la radioélectricité à titre uniquement personnel et sans intérêt pécuniaire’.
Mais en plus, ayant été en contact très jeune avec des radioamateurs de la première heure, et ayant eu la chance de les entendre répéter souvent, devant une tasse de thé servie à la maison, leurs exploits de pionniers, je me suis toujours senti investi d’un rôle de « gardien des traditions ».
C’est cet attrait pour l’histoire écrite par nos aînés qui m’a appris à aimer la télégraphie, sans jamais considérer le côté désuet que ce mode de transmission mais au contraire en le pratiquant comme un art précieux légué par les générations qui me précèdent et que je me dois d’entretenir.
Un autre aspect de la radio d’amateur a toujours été pour moi associé à une expérience tactile profonde.
J’aime les occasions que me sont données de manipuler physiquement mon équipement,
de tourner les boutons, de régler les cadrans et d’interagir directement avec les appareils et les antennes.
Cette interaction physique va au-delà de la simple manipulation, elle crée une connexion tangible entre moi et mon équipement, renforçant le lien entre l’humain et la technologie.
Je pratique aussi le vol en ULM, et on résume très bien cela en disant que l’on « pilote avec les fesses », en ressentant les éléments et les mouvements de l’appareil, ce qui crée une façon de conduire les opérations de vol plus instinctive qu’en se basant sur la seule lecture des paramètres du vol en restant isolé des sensations physiques.
Mais la radio d’amateur ne se résume pas à ces gestes techniques, il est aussi pour moi très important que ma capacité à mettre en œuvre et exploiter mes équipements se matérialise par des liaisons avec d’autres passionnés à travers les ondes.
Et pour cela, il me faut bien admettre que cet aspect de l’activité est, depuis toujours, basé sur une technologie qui met en place un environnement virtuel propice à ces rencontres, qui s’établissent ‘sur l’air’.
Il n’y a pas de fil entre nous, pas de fibre, pas de câble, pas de serveur, pas de service, juste des ondes entre nos deux antennes qui peuvent être séparées par des milliers de kilomètres.
Nous sommes donc, depuis le début, parmi les pionniers qui ont mis en place un environnement virtuel permettant les rencontres à distance, et peu importe notre façon d’utiliser nos équipements, que ce soit dans le réel ou à distance, dans un monde virtuel fait d’écrans, d’ordinateurs, de tablettes, et de logiciels de commande à distance.
L’authenticité de nos liaisons n’est donc nullement altérée par le fait qu’une des deux stations, ou les deux, soit construite sur une architecture « remote ».
Il existe toujours, à la fin, pour établir la liaison, deux antennes qui échangent des ondes électromagnétiques à distance : la magie de la radio est préservée.
Cette crainte que j’eusse est sans doute fondée sur l’évolution de nos relations interpersonnelles à l’ère du virtuel, qui nous conduit de plus en plus à des interactions superficielles.
Cette manière de communiquer, en se focalisant sur l’apparence et des informations succinctes, peut entraîner des jugements hâtifs et une tendance à privilégier l’esthétique plutôt que les idées et le fond des arguments.
Mais depuis longtemps nous, les radioamateurs, avons développé un savoir-faire pour interpréter, sur l’air, dans le virtuel, toutes les informations utiles pour reconnaître une liaison amicale et enrichissante d’une conversation pauvre et sans fondement.
Et ce n’est pas toujours la quantité d’information échangée qui nous permet d’être capables de sentir cela : même à travers un simple échange « 599 TU », nous savons imaginer tout le savoir-faire technique et logistique, mis en œuvre par l’opérateur qui est au bout du monde.
Alors le « remote » dans tout cela ?
C’est un élément qui se situe bien en amont, qui développe des compétences techniques nouvelles que je n’avais pas.
La décision d’embrasser ou de rejeter cette transition vers le virtuel dépend largement des préférences individuelles et de l’importance que l’on accorde à l’aspect tactile de la pratique que j’évoquais plus haut.
Ce que j’ai découvert en m’y essayant, c’est que cela permet d’étendre dans d’autres lieux notre plaisir, tout en préservant les valeurs fondamentales de respect des règles et d’intégrité qui caractérisent la communauté radioamateur.
La solution retenue, qui permet d’avoir sur le site distant des boutons et un vrai manip.
Virtualiser, à l’aide de deux boîtiers Remoterig, le cordon de liaison d’un appareil à façade
détachable (en l’occurrence mon vieil ICOM 706).
Station radio dans le département 22. Boîtier remoterig connecté par Wi-Fi à la Freebox ADSL
Le corps de l’ICOM 706 est relié au boîtier Remoterig par un câble réseau (j’ai mis des ferrites pour
éviter les retours HF) grâce au système DM5AL (https://www.remoterig.com/wp/?page_id=3700).
Un petit coupleur d’antenne automatique LDG 200 proII auquel j’ai accouplé un balun 1/1 connecté à mon antenne 2x20m avec descente Twin-Lead 450 Ohms, permettant de faire de l’émission sur toutes les bandes du 80m au 6m.
À noter que cette vue est prise à partir d’une petite caméra IP qui me permet de surveiller le bon fonctionnement.
Toute l’installation est branchée sur une prise de courant commandée par Wi-Fi mais sur un réseau 4G, afin de pouvoir tout éteindre en cas de « plantage ».
Site distant, à Paris ou ailleurs.
Boîtier remoterig connecté par Wi-Fi à la BoxSFR fibre ou à mon téléphone 4G.
La façade de l’ICOM, connectée par le même système DM5AL au boîtier remoterig… et un vrai manipulateur pour la CW !
73 de Marc, F6IIV.